La photographie plasticienne concerne toute œuvre effectuée sur un support photographique argentique ou numérique, qui s’ancre dans une démarche de création. Cette catégorie implique de nombreuses déclinaisons reposant tant sur l’usage fait de ces photographies que sur leur mise en œuvre.
La photographie plasticienne est à distinguer de la photographie documentaire, qui est la trace d’une oeuvre d’un autre médium comme l’installation, la performance, de nature éphémère ou disparue.
Les catégories énoncées ci-dessous peuvent être mixées et intégrées. Les photomontages y sont également inclus.
la photographie retouchée ou manipulée
La photographie retouchée ou manipulée regroupe toutes sortes d’interventions sur la photographie à tous niveaux du travail, sur les sujets, au moment de la prise de vue, pendant le tirage ou lorsque la photographie est terminée par des rehauts de peinture, de dessin, de matière ou toutes opérations de retouche numérique. Certains artistes fabriquent de toutes pièces le sujet qu’ils photographient, de Hans Bellmer à Rachel Laurent http://rachellaurent.fr/, Olivier Rebufa, Thomas Demand, Vik Muniz, Georges Rousse, Sandy Skoglund.
Hans Bellmer, La Poupée, début 1934, épreuve gélatino-argentique, 73,5 x 48 cm, Centre Pompidou Paris, https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cqGjB9j
Olivier Rebufa se fait connaître de 1989 en recourant à cette pratique plastique hybride, devenue sa signature artistique : intégrer son autoportrait photographique à des univers miniatures reconstitués, et s’y entourer de poupées, de figurines, de jouets ou de maquettes.
Olivier Rebufa, Galerie marchande, 2019
Tirage argentique noir et blanc, numéroté et signé par l’artiste
Environ 60 x 80 cm
Nombre d’exemplaires : 5
Source : http://www.documentsdartistes.org/artistes/rebufa/repro8.html
Thomas Demand, Diving Board, 1994, impression couleur chromogène (à partir d’une diapositive en négatif), 150 x118 cm, MoMa.
Après avoir choisi ses images sources, Thomas Demand utilise du papier et du carton de couleur pour reconstituer méticuleusement des espaces réels, en trois dimensions et à la vraie grandeur. Ensuite, il photographie ces maquettes et les détruit, ne laissant donc subsister que leur double ou leur spectre photographique.
Vik Muniz
Vik Muniz utilise la photographie pour immortaliser les images qu’il crée à partir d’une diversité incalculable de médias : terre, sucre, excrément, ketchup, fil de fer, fil de lin, corde, sang artificiel, jetons de couleurs, pâte à modeler, etc.
Il est révélé en 1995 par sa série Sugar children.
En vacances sur l’ile de Saint Christophe dans les Caraïbes, il rencontre des villageois qui lui expliquent leur vie difficile, leur crainte pour l’avenir de leurs enfants, leur travail épuisant dans les plantations de canne à sucre. Il décide de photographier les enfants souriants et insouciants, dès son retour dans son atelier, il réalise à partir de ces photographies des tableaux avec du sucre créant une métaphore entre l’image et le matériau utilisé.
En 2010, le film documentaire Waste Land, réalisé par Lucy Walker, suit pendant trois ans Vik Muniz dans la réalisation d’un projet artistique inédit en plein cœur de la plus vaste décharge du monde, Jardim Gramacho, située dans les faubourgs de Rio de Janeiro. L’artiste s’installe près de la décharge, et monte un projet participatif : les travailleurs de la décharge rapportent les ordures et les mettent en place.
Georges Rousse
Georges Rousse assure lui-même la prise de vue, le cadrage, la lumière de ses photographies révélant les anamorphoses créées dans des espaces architecturaux.
Timelapse du chantier au Musée de l’Homme, anamorphose in situ en 2011 :
Sandy Skoglund
Revenge of the Goldfish
1981, Photographie couleur, tirage cibachrome, 65 x 83 cm
Acquisition du FRAC Lorraine en 1987, http://collection.fraclorraine.org/collection/print/491?lang=fr
D’autres manipulent des images pré-existantes, de Raoul Hausmann jusqu’à Patrick Everaert et Peter Hutchinson.
Raoul Hausmann
ABCD, 1923 – 1924, Encre de Chine et illustrations de magazine découpées et collées sur papier, 40,4 x 28,2 cm, Centre Pompidou Paris, https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cAneAg6
Patrick Everaert
Patrick Everaert utilise la manipulation d’images pour créer des énigmes, des pièges visuels et perceptifs, aux multiples portes d’entrée et niveaux d’appréhension. Les trois « impressions numériques sur papier photographique » réalisées en 2001 et 2002, appartenant à la collection du Frac Sud, mettent en scène le corps et un contenant. Le plan peut être serré, jusqu’à excéder parfois les limites du cadre.
Sans Titre, 2001, 90 x 90 cm, FRAC Sud, Tirage unique, https://www.navigart.fr/lescollectionsdesfrac/artwork/patrick-everaert, Achat à la Galerie Aline Vidal en 2004
Peter Hutchinson
Peter Hutchinson est un des pionniers du mouvement Land Art et du Narrative Art. Il appartient à une génération de photographes qui dans les années 1960-80 a participé à l’émergence d’une nouvelle approche de la photographie, émancipée de la simple prise de vue. Peter Hutchinson combine textes et images afin de placer la photographie dans une temporalité continue. Ses photo-collages en éditions uniques portent sur la nature, l’incidence de l’homme sur elle et l’imaginaire. Les travaux de Peter Hutchinson sont présents au musée d’art Contemporain à Bâle, au Centre Pompidou Paris et au MoMA de New York.
Floating Calabash, 1969, Photo-collage original, Vintage, exemplaire unique, Titré et signé par l’artiste, 28 x 34 cm, Galerie GadCollection, https://www.gadcollection.com/fr/peter-hutchinson/497-floating-calabash-1969.html.
La Galerie GADCOLLECTION à Paris, défend les maîtres de la photographie.
Enfin, certaines pratiques reposent sur l’utilisation détournée des techniques photographiques argentiques traditionnelles pour créer de nouvelles images aux effets plastiques caractéristiques (rayogrammes, surimpressions, surexpositons… de Man Ray, polaroids, cyanotypes, …).
Man Ray, Photographie de mode, Vers 1935, Tirage original d’une photographie de Man Ray, Collection du Musée Cantini, Marseille. Épreuve gélatino-argentique, surimpression, 10,5 × 7,5 cm, Collection particulière.
Robert Rauschenberg et Susan Weil, Sans Titre (Sue), vers 1950, cyanotype, 177,2 x 105,7 cm, collection particulière Giraud Pissarro Segalot, New York.
https://www.guggenheim-bilbao.eus/fr/expositions/robert-rauschenberg-retrospective
Daido Moriyama, Polaroid Polaroid, 1997, 3262 Polaroids montés sur 26 panneaux, 600 x 500 cm, Acquisition 2004, Fondation Cartier pour l’art contemporain. https://www.fondationcartier.com/collection/oeuvres/polaroid-polaroid
Vue de l’exposition Highlights au musée d’art de Séoul en 2017 :
la photographie comme matériau
La photographie comme matériau, élément de la composition recoupe toute utilisation de l’image photographique dans des œuvres convoquant l’usage de techniques mixtes comme Hannah Höch, Robert Rauschenberg, Alain Fleischer.
Hannah Höch
Pionnière du photomontage, dans les années 1920, Hannah Höch s’est imposée comme la seule femme de Dada, malgré les réticences de plusieurs membres du groupe. Les premiers photomontages d’Hannah Höch démontrent le goût de l’artiste pour la satire sociale et politique, peuplés d’êtres hybrides, pour mieux interroger le rôle social des femmes.
Danseuse indienne : tiré d’un musée ethnographique, 1930, collage photographique, papier imprimé et feuille d’aluminium, 25,7 x 22,4 cm, MoMA, New York, https://www.moma.org/collection/works/37360?artist_id=2675&page=1&sov_referrer=artist
Robert Rauschenberg
Sans titre, 1989, Photographie retouchée sur plaque aluminium, 67 x 54 cm, Pièce unique, galerie Baudoin Lebon, http://www.baudoin-lebon.com/fr/artistes/oeuvres/1467/robert-rauschenberg
Alain Fleischer
Caniveau avec chiffons bleus et gris, (ancien titre donné par l’artiste : Paysage de sol 2), 1970 / 1983, Tirage : 1/5, photographie couleur, 33 x 50 cm sans marges, D.S.CA.R. : tampon de l’artiste. ANNOT.N.T.D. : « 1970 : prise de vue – tirage 2/5 – titre : paysage de sol 2 – date tirage : 1983« , Musée d’art contemporain de Marseille, https://www.navigart.fr/macmarseille/artwork/alain-fleischer-caniveau-avec-chiffons-bleus-et-gris-520000000000236
Son goût pour les dédoublements et les expérimentations multiples se retrouve dans sa pratique photographique, où des dispositifs très élaborés mettent en scène jeux de miroirs, illusions et simulacres divers. Entremêlant les codes (ludique, érotique, artistique), son oeuvre fait jouer plusieurs paramètres, tels que le mouvement ou la lumière, dans un projet photographique que l’artiste définit lui-même : « Moi, en photographie, mon enjeu, c’est la prise de vue, c’est la mise en scène, c’est la lumière, les couleurs, les cadrages, en fait l’organisation de l’espace, de l’image ».
la photographie comme trace
La photographie comme trace exposée et utilisée comme témoignage d’une action (performance) à l’image de Chris Burden, ou Michel Journiac, mais aussi Vanessa Beecroft, Jonathan Monk, Roman Signer, Erwin Wurm. Elle recoupe aussi la notion de trace d’une œuvre lointaine ou monumentale à l’instar des artistes du Land Art. Aujourd’hui la vente de tirages est souvent utile pour financer les projets pharaoniques de Christo, Matthew Barney, Mariko Mori, Shirin Neshat. La photographie s’inscrit ici dans un statut d’étape dans la démarche de création.
Ces artistes soignent la prise de vue et les tirages, jusqu’à adopter une attitude de « photographe » sans en avoir la fonction, et en maintenant leur statut d’artiste plasticien.
Chris Burden
747, photographie noir et blanc de 1973, 35,5 x 28 cm, 5 exemplaires.
La performance consistait à tirer en l’air sur un Boeing 747, à la sortie de l’aéroport de Los Angeles.
Michel Journiac
Michel Journiac utilise le corps (le sien) comme medium artistique (Art Corporel ou Body Art) à travers différents thèmes comme la société, la famille, l’identité, l’objet, l’autre.
Hommage à Freud – Constat critique d’une mythologie travestie, 1972, signé et daté, transfert photographique sur toile, 65 x 50 cm, 10 exemplaires, Galerie Christophe Gaillard, Paris.
Vanessa Beecroft
À partir de 1994, elle commence une série de performances portant sa marque personnelle : le temps d’une soirée, généralement pour le vernissage-événement d’une galerie ou dans un musée, un groupe de personnes archétypiques – militaires en uniformes, femmes de type caucasien nues, femmes rousses nues – se tiennent debout, statiques, offertes à la contemplation.
VB55, Neue Nationalgalerie, Berlin, du 7 au 8 avril 2005. Vanessa Beecroft a organisé une performance avec une centaine de femmes âgées de 18 à 65 ans pour créer une image vivante et ainsi réaliser sa performance à Berlin avec le plus grand nombre de modèles à ce jour.
Vb55.004, 2005, impression couleur, 50,7 x 60,6 cm
Offert est une photographie de 20 x 25,5 cm de la performance signée par l’artiste avec le texte : « Cher modèle, Merci, Vanessa Beecroft ». Les modèles participants ont reçu l’une de ces photos signées, le tirage est donc strictement limité.
Jonathan Monk
Sa série photographique Waiting for famous people, 1995-1997, le met en scène dans un hall d’aéroport, avec une pancarte. Il y attend Marcel Duchamp, Leo Castelli, Curt Cobain, Santa Claus, Andy Warhol, Woody Allen, Nelson Mandela, Jeff Koons…
Photographies couleur de 20 x 30 cm, Édition limitée à 5 (+ 1 EP « épreuves d’artiste », ou AP)
Autres photographies de la série sur https://nicolaiwallner.com/exhibition/waiting-for-famous-people-online-presentation/ (site de la galerie Nicolai Wallner à Copenhague).
Roman Signer
Salut, 2010, Cibachrome contrecollé sur aluminium, 122 x 122 cm et 142,3 x 142 x 4 cm – poids : 20 kg avec cadre, Tirages : 3/6 + 2 EA (« épreuves d’artiste) », Photographe : Michael Bodenmann
https://www.navigart.fr/fracfc/artwork/roman-signer-salut-370000000041318
La photographie a été prise lors de l’inauguration d’un nouveau tunnel du Gotthard sous la ville de Sedrun (Suisse). Achetée en 2021 par le FRAC Besançon. https://lesfrac.com/acquisition/roman-signer-salut-2010/
Né en Suisse en 1938, sur un continent européen en proie aux fureurs d’une guerre qui l’a profondément marqué, l’artiste est mondialement connu pour ses actions au cours desquelles il utilise des explosifs, mais aussi des phénomènes naturels comme la force du vent ou de l’eau, pour réaliser des « micro-spectacles ou non-événements » : des instants furtifs et néanmoins magiques de déflagrations, de chutes ou d’envols qu’il s’attache à saisir par la photographie ou la vidéo et auxquels il donne un prolongement sous forme de sculptures et d’installations. L’ensemble participe d’une oeuvre que l’artiste qualifie de « sculpture du temps ». Source : https://www.frac-franche-comte.fr/fr/roman-signer-tombe-du-ciel
Erwin Wurm
https://www.erwinwurm.at/artworks.html
Série Brothers and Sisters, 2002, Sister Ruth 1, c-print (impression couleur numérique),
65 x 80 cm, 2002, collection Admont Benedictine Convent
https://www.erwinwurm.at/artworks/photographic-sculptures.html
Depuis la fin des années 1980, il pose dans ses travaux les questions plastiques du contenu et du contenant, de l’espace vide et du volume, de la stabilité et de l’instabilité. Comme l’attestent ses One minute sculptures, débutées en 1997 : « Quand j’ai commencé à travailler, ce que l’on entendait traditionnellement par sculpture était une chose en trois dimensions qui devait durer éternellement. Mon sentiment était que la sculpture pouvait aussi ne durer que quelques instants. J’ai donc fait des photos de ces moments-là, et je considère que ces photos sont aussi des sculptures ». Source : https://www.levoyageanantes.fr/artistes/erwin-wurm/
la photographie comme médium de l’art contemporain
Dans les années 1980, le tirage photographique devient un médium de l’art contemporain.
On voit apparaître des images proprement photographiques dotées de propriétés nouvelles, justifiant pleinement leur accession non seulement au marché de l’art ou au musée mais au statut d’œuvre, au même titre qu’une peinture ou une sculpture. Dans ce retournement de situation, des photographes professionnellement aguerris ont pu trouver leur place, en tant qu’artistes (Dieter Appelt, Thomas Ruff, Andreas Gursky…). Le choix du médium photographique est ici intimement lié à une démarche et aux intentions visées. Faire une photo, c’est penser l’image et sa production dans l’ensemble de la photographie, pour son efficacité dans la société médiatisée, dans la connaissance et l’information.
Pour Andreas Gursky, l’acte de photographier consiste à penser et élaborer un objet transitif de perception (une photographie), en profitant des capacités du dispositif – précision, rendu des couleurs, qualité de surface – en sachant que ce n’est en rien la réalité vive, mais une représentation. De ce fait, les images mettent en jeu, à chaque prise de vue, une interrogation sur la perception de l’environnement et le statut de cette « vue ».
Andreas Gursky tout comme Jeff Wall ou Thomas Kellner cherchent avant tout à questionner la représentation, à monter que toute image est une fabrication avec ses enjeux et son discours.
Dieter Appelt
Die befreiung der finger (La libération ou L’émancipation des doigts) n°4, 1979
Photographie noir et blanc, tirage argentique
40 x 30 cm
Acquisition du FRAC Lorraine en 1988, http://collection.fraclorraine.org/collection/print/17?lang=fr et https://www.navigart.fr/lescollectionsdesfrac/artwork/dieter-appelt
Thomas Kellner
https://www.thomaskellner.com/artworks-and-art-commissions.html
Il est surtout connu pour ses photographies grand format de monuments architecturaux célèbres. Grâce à leurs nombreuses images individuelles et une perspective d’appareil photo décalée, elles ressemblent à des « mosaïques de photos » (Roy Flukinger (Thomas Kellner (ed.)), Houston we’ve had a problem ! : Spielraum – Breathing Space, Berlin, 2013, p. 11-12).
Grand Canyon, 2014, C-Print (impression couleur numérique), 423,5 cm x 84 cm, 3 exemplaires + 1 EP, 2160 images individuelles

Jeff Wall
Ses photos grand format s’approprient le langage visuel de la publicité à travers l’utilisation de transparents rétro-éclairés, ce qui donne des petits moments « cinématographiques » dont l’artiste est témoin dans sa vie de tous les jours.
Picture for Women (Image pour les femmes), 1979, épreuve à destruction de colorants, type cibachrome transparent joint bord à bord dans un caisson lumineux, 161,5 x 223,5 x 28,5 cm, Centre Pompidou Paris, https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/5pbYFvv
Thomas Ruff
Il explore les technologies de l’appareil et de la production de tous les types de photographies en les réinventant, des images satellites aux outils digitaux, en passant par les négatifs analogiques et le JPEG. Il sonde les capacités d’évolutions technologiques du médium et le statut des images.
Portrait, 1989, Chromogenic print, 152.4 × 120 cm, Moma https://www.moma.org/collection/works/50870?artist_id=6982&page=1&sov_referrer=artist
Ruff a commencé à réaliser des portraits en 1981 alors qu’il était encore étudiant à l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf. Il a étudié avec Bernd et Hilla Becher et, conformément à l’esthétique sobre de leur travail, il a fixé des paramètres stricts pour son projet : les sujets seraient photographiés montrant uniquement leur tête et leurs épaules, portant leurs propres vêtements de tous les jours et avec des expressions faciales neutres. Ruff avait l’intention d’accrocher ensemble de grands groupes de ces portraits couleur d’environ huit pouces sur dix. Pour ajouter de la variété, il a photographié chaque personne sur un fond coloré. En 1987, Ruff avait distillé le projet de plusieurs manières, optant pour une utilisation presque exclusive de la vue frontale complète, éliminant le fond coloré au profit d’un blanc invariable et agrandissant l’œuvre finie à des proportions monumentales. Malgré le détail apporté par la technique scrupuleuse et la grande échelle, le spectateur n’a aucun aperçu de la personne photographiée. Et pourtant, considérés ensemble, ces portraits psychologiquement vides véhiculent quelque chose du caractère de la génération de Ruff – la première née après la Seconde Guerre mondiale.
Andreas Gursky
https://www.andreasgursky.com/en
Andreas Gursky entre à l’école des beaux-arts de Düsseldorf en 1980, et devient l’élève de Bernd et Hilla Becher, un couple de photographes célèbres pour leur esthétique documentaire ultra-rigoureuse. L’influence des Becher sur Gursky est notable dès le début de sa carrière : sa composition est toujours précise et minimale, il adopte des points de vues reculés, et la profondeur de champ dans ses images est totale.
Andreas Gursky va petit-à-petit orienter son oeuvre photographique vers une image plus narrative et grandiose, avec la volonté d’impressionner le public, par des formats monumentaux.
Une nouvelle évolution du travail de Gursky s’opère lorsque le traitement numérique s’invite dans l’affaire… Dès lors, la contrainte de la réalité n’est plus, et il devient possible pour l’artiste de créer des images frauduleuses, des photographies de pure fiction (ou presque).
En 1993, Andreas Gursky réalise une première image à l’aide d’un montage numérique : Montparnasse buildings
qui combine plusieurs photographies d’un HLM prises depuis des points de vues différents et ensuite rassemblées en une large image.
Dans 99 Cent, en 1999, Gursky ajoute des créations de toutes pièces, comme les colonnes blanches et le plafond reflétant les rayons. Il a également retouché les couleurs des produits, en les saturant afin de donner une esthétique pop à l’image.
Série sur Pyongyang
2017 (2007)
Rétrospective à la Hayward Gallery à Londres, 2018 :
Comme dans l’univers de la publicité, la réalité n’est pas de mise. Le réel peut être transformé, mais à condition que cela ne se voit pas, et que cela reste vraisemblable, aux antipodes de la démarche objective des Becher.
Andreas Gursky au Mudam au Luxembourg : lien vers images sur drive
Voir aussi : photographie, photographie argentique, photographie numérique, photographie documentaire, première photographie (héliographie), Andreas Gursky
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