Statut du spectateur

Oeuvre, artiste, espace et spectateur sont en constant dialogue. Du large public au critique d’art spécialiste, comment se décline la posture du spectateur ? Passif, contemplatif, actif ou collaboratif.

Le spectateur peut être passif

Le spectateur peut être passif : il n’est même pas conscient qu’il se trouve devant une oeuvre comme par exemple dans un espace public.

 

 

 

 

Echappées d’art 2020, « fresque » (ou plutôt installation ou peinture murale) de Tania Mouraud au niveau de la rue de la Tannerie, juste à côté du théâtre Le Quai, et que l’on voit très bien depuis l’avenue Yolande-d’Aragon à Angers. Hautes de 14 mètres, les lettres noires sur fond blanc délivrent un message tiré de l’Apocalypse selon Saint Jean (NEFAITESPOINTDEMALALATERRE).

Le spectateur peut être contemplatif 

Le spectateur peut être contemplatif : il visualise l’oeuvre, s’y attarde, la contemple, la scrute, la regarde attentivement (sens de la vue sollicité).

Il est devant elle, face à elle, de manière frontale, dans le cas d’un tableau ou d’une photographie ou tourne autour, dans le cas d’une sculpture en ronde-bosse.

Spectateur au Musée Marmottan-Monet à Paris, dans la salle présentant sa série des Nymphéas. 

https://www.visitparisregion.com/fr/musee-marmottan-monet

 

Le spectateur peut être actif = spect-acteur

Le spectateur peut être actif = spect-acteur.

L’oeuvre est pensée par l’artiste de façon à conduire le spectateur à effectuer une action : il déambule, il parcourt l’oeuvre, il y pénètre, il s’y retrouve immergé, il change de point de vue,  …

Site de l’artiste Felice Varinihttp://www.varini.org/

http://www.varini.org/08agra/dos2009/003-agr-09.html

5 ellipses ouvertes, Place d’Armes à Metz durant l’exposition Constellations, 2009, année avant l’ouverture du Centre Pompidou-Metz.

Une marque au sol indiquait au spectateur où se placer pour avoir le point de vue parfait et reconstituer visuellement cette anamorphose.

Le spectateur peut être participatif 

Le spectateur peut être participatif : son action est nécessaire, sa présence fait partie intégrante, elle est constitutive (elle constitue le) de l’activation de l’oeuvre mais pas de son processus de création (différence avec spectateur collaboratif). L’oeuvre existe, et le spectateur vient lui apporter sa touche finale.

Au musée Juif de Berlin réalisé par l’architecte Daniel Libeskind en 2001, dans un couloir nommé The Memory Void (mémoire du vide) l’artiste israëlien Menashe Kadishman a produit 10 000 visages découpés dans de l’acier, afin de commémorer les victimes de l’Holocauste, mais aussi toutes les victimes des guerres et des violences à travers le monde entier. Dans cette installation nommée Shalechet, Les Feuilles Mortes (chute de feuilles mortes) le visiteur est autorisé à marcher sur ces visages d’acier, (oeuvre participative), qui dans cette zone crée un écho très strident, angoissant, dérangeant. Les visages semblent hurler !

 

Le spectateur peut être collaboratif

Le spectateur peut être collaboratif : dès le début et tout au long du processus de création et d’exposition de l’oeuvre, la présence et/ou l’action du spectateur sont nécessaires.

L’oeuvre ne peut exister sans la présence et/ou action du spectateur (différence avec spectateur participatif).

L’artiste-performeuse serbe Marina Abramović réalise en 1974 une performance : elle se livre entièrement au public pendant six heures. Le principe de cette performance intitulée Rhythm o est très simple : dans le studio napolitain Morra, l’artiste se tient debout, figée, dans une pièce où se trouvent 72 objets placés sur une table. Une affiche donne la « consigne » suivante : 

« Sur la table il y a 72 objets avec lesquels vous pouvez me faire ce que vous voulez.

Performance.

Je suis un objet. 

Je prends la responsabilité de tout ce qui se passera dans ce laps de temps.

Durée : 6 heures (20h – 2h) ».

Les objets sont répartis en deux catégories. L’une est composée des « objets de plaisir« , l’autre des « objets de destruction« . Les objets de plaisir sont complètement inoffensifs, il y a des plumes, des fleurs, des raisins, du parfum, du vin, du pain. Parmi les objets de destruction se trouvent, entre autres, un couteau, des ciseaux, une barre de fer, des lames de rasoir et un pistolet avec une cartouche. 

« Pendant la troisième heure, on a déchiré ses vêtements avec des lames de rasoir. Pendant la quatrième heure, on a commencé à la couper avec. Elle a été agressée sexuellement », raconte le critique d’art américain Thomas McEvilley, qui a assisté à la performance

Marina Abramović se souvient des deux dernières heures : « Je me suis sentie violée, ils ont arraché mes vêtements, ils m’ont enfoncé des épines de rose dans le ventre, ont pointé un pistolet sur ma tête. » 

Il y a eu différentes réactions lors de la performance. Il y avait en effet un « groupe agresseur » et un « groupe protecteur » et une bagarre a eu lieu entre les deux groupes. 

« Ce travail révèle ce qu’il y a de plus horrible chez les gens. Cela montre à quelle vitesse quelqu’un peut se décider à te blesser lorsqu’il y est autorisé. Cela montre à quel point il est facile de déshumaniser quelqu’un qui ne se défend pas. Cela montre que la majorité des gens ‘normaux’ peuvent devenir très violents en public si on leur en donne la possibilité. » Marina Abramović

 

Source : https://www.youtube.com/watch?v=xTBkbseXfOQ