Une commande d’État en art est appelée commande officielle et fait référence à une œuvre commandée par une autorité politique, religieuse ou sociale, souvent pour des raisons de prestige, de propagande ou de glorification. Ces commandes peuvent inclure des peintures, des sculptures, des fresques, des mosaïques ou d’autres formes d’art destinées à décorer des lieux publics, des bâtiments officiels ou des lieux de culte.
L’art commandé par l’état est souvent caractérisé par des thèmes qui célèbrent l’autorité, la nation, la religion ou des événements historiques importants. Les artistes qui reçoivent de telles commandes peuvent être choisis pour leur talent, mais aussi pour leur capacité à transmettre le message souhaité par le commanditaire. Ces œuvres peuvent aussi être des outils de communication politique ou idéologique, visant à influencer ou renforcer les croyances et l’identité de la population. Elle relève de la commande publique.
En art contemporain, exemple de la Fondation Cartier
La commande aux artistes (https://www.fondationcartier.com/histoire-mission/commande-aux-artistes)
Les commandes témoignent des relations tissées avec les artistes du monde entier et d’une volonté d’ouverture sur le monde et la société actuelle. La relation qui s’établit alors entre la Fondation Cartier et l’artiste dépasse le simple mécénat.
Les commandes constituent une manière féconde de s’engager auprès des artistes par le soutien à la production d’une œuvre, d’une série d’œuvres ou d’une exposition tout entière. Elle est un véritable accompagnement de la création, du concept jusqu’à la réalisation. L’artiste a ainsi la possibilité de créer une œuvre nouvelle et de s’ouvrir à des perspectives différentes : travailler à une autre échelle, mener un projet à bien, réaliser un rêve… « La commande est représentative de la façon dont nous concevons le mécénat ». Alain Dominique Perrin (homme d’affaire, collectionneur d’art et président de la Fondation Cartier https://www.beauxarts.com/grand-format/alain-dominique-perrin-la-nouvelle-fondation-cartier-place-du-palais-royal-va-participer-a-la-revolution-culturelle-dont-la-france-a-besoin/).
Il est possible de connaitre le ou les commanditaires d’un certain nombre de représentations, soit par une mention explicite sur l’œuvre comme la présence d’un nom ou d’un blason, soit par l’examen de la documentation liée à l’œuvre comme le contrat de commande ou les livres de comptes, soit par une attribution traditionnelle de la commande à une personne particulière.
Les commanditaires extérieurs aux abbayes
Le commanditaire d’une œuvre peut être un individu ou une institution collective. Il poursuit toujours un but particulier. Les volontés des commanditaires doivent aussi être mises en relation avec les destinataires des représentations. Le commanditaire peut être le destinataire de l’œuvre mais il peut aussi vouloir toucher un public plus large. Le commanditaire d’une œuvre peut demander à l’artiste de le représenter en donateur face à des personnages divins ou des saints, ou encore d’être intégré à des épisodes bibliques. Le commanditaire choisit aussi les thèmes iconographiques à développer et les symboles qui doivent figurer dans l’œuvre qu’il communique à l’artiste pour l’orienter dans sa composition.
Lorsque les proches des religieuses sont commanditaires de portraits, ils poursuivent plusieurs objectifs. Il s’agit pour la famille de la religieuse d’avoir une image de celle-ci, de s’enorgueillir de la position sociale des membres de leur famille ou encore de compléter des collections de portraits de famille. L’imagerie de Port-Royal a suscité de nombreuses reprises de peintures et de gravures par des sympathisants jansénistes au XVIIe et plus encore au XVIIIe siècle.
Les œuvres des églises paroissiales sont une commande de la paroisse elle-même. Celle-ci est dirigée au spirituel par le curé, forcément un prêtre, et au temporel par un conseil paroissial composé de notables laïcs, la fabrique. La paroisse passe directement commande à des artisans ou artistes tandis que le curé apporte sa caution morale et religieuse pour le programme pictural. La réforme catholique mise sur la cellule de base qu’est la paroisse pour convertir ou maintenir dans le catholicisme les masses populaires 1. Cela passe notamment par le relèvement de l’éclat des offices et des cérémonies, la restauration et l’ornementation des églises d’où les commandes d’œuvres représentant le plus souvent des religieuses saintes médiévales, souvent régionales. Ces moniales déjà canonisées depuis longtemps sont des repères fiables et rassurants pour les fidèles. Cette commande paroissiale est majoritaire pour les statues et un grand nombre de retables et d’autels. Les œuvres sont restées en place dans les paroisses qui les hébergeaient déjà avant la Révolution française.
Les religieux forment une autre catégorie de commanditaires. La commande masculine la plus importante en terme de style est celle de la Mort de sainte Scholastique. Ce tableau et son pendant, représentant L’Extase de saint Benoît, ont été commandés à Jean Restout par la congrégation de Saint-Maur pour son abbaye bénédictine de Bourgueil 2. Parmi les religieux, on trouve les auteurs de livres désireux d’illustrer leurs ouvrages. S’il s’agit d’une histoire des ordres religieux, les gravures représentent des religieuses anonymes pour mettre en valeur les habits de chaque congrégation. S’il s’agit d’un calendrier ou d’un recueil de vies de saints, les gravures représentent les saintes fêtées. Enfin, s’il s’agit de la vie d’une moniale ou de ses écrits, la gravure la représente dans un portrait simple ou mise en scène dans une action de dévotion. Dans ce dernier cas, les auteurs religieux peuvent être incités à la rédaction par les religieuses de la communauté de la moniale.
Lorsque les moniales sont les commanditaires
Des communautés religieuses sont fréquemment commanditaires d’œuvres où apparaissent des bénédictines et des cisterciennes. Là aussi, les buts sont multiples. La représentation iconographique permet de conserver le souvenir d’une religieuse, d’étaler une succession prestigieuse d’abbesses, comme à l’abbaye de Fontevraud ou à Jouarre, de renforcer l’image de marque et le prestige de leur établissement, de susciter des vocations, de donner l’exemple aux jeunes notamment si la religieuse représentée était particulièrement pieuse. Le décès d’une religieuse ou d’une supérieure entraine fréquemment la commande d’une gravure ou d’un portrait par la communauté religieuse. Les tableaux représentant plusieurs membres d’une communauté ou la communauté entière sont des commandes des abbayes.
Des religieuses ont peut-être également été commanditaires à titre personnel de portraits d’autres religieuses, notamment des saintes de leur ordre ou des portraits d’abbesses amies. Cette commande personnelle serait alors liée à la propriété individuelle pratiquée dans les couvents non réformés.
Quelques commanditaires connus
- la reine Anne d’Autriche pour le tableau représentant la reine et ses fils priant la Trinité avec saint Benoît et sa sœur Scholastique.
- Claude de France pour le Récit de la mort et des funérailles de la reine Anne de Bretagne de Pierre Choque, enluminé par Jehan Perreal 3.
- Philippe de Champaigne est la fois le commanditaire et l’auteur du tableau ex-voto qu’il a offert pour la guérison miraculeuse de sa fille.
- les parents de Marguerite Périer et Claude Baudran, deux jeunes pensionnaires miraculées de l’abbaye de Port-Royal des Champs, pour un tableau et une gravure immortalisant l’évènement 4.
- l’abbaye de Port-Royal des Champs pour de nombreux tableaux et portraits d’abbesses 5.
- l’abbesse de Fontevraud Louise de Bourbon pour les fresques de la salle capitulaire de l’abbaye commandées au peintre angevin Thomas Pot vers 1563.
- plusieurs communautés de religieuses : la congrégation de Notre-Dame du Calvaire, la congrégation de l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, l’abbaye d’Almenèches-Argentan, l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers, les Bernardines d’Orgelet, l’abbaye de Montreuil, l’abbaye de Jouarre, le prieuré de Marcigny, l’abbaye de la Bénisson-Dieu …
- Le Père Pierre Hélyot commande les gravures de ses ouvrages au graveur François de Poilly.
- – Gilles DEREGNAUCOURT et Didier POTTON, La vie religieuse en France aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Ophrys, 1994. ↩︎
- – Catalogue d’exposition : Jean Restout, Rouen, musée des Beaux-Arts, 1970.
Musée des beaux-arts de Tours, Guide des collections, Paris, Réunion des musées nationaux, 1998 (no 58).
Boris LOSSKY, Tours, musée des Beaux-Arts, Peintures du XVIIIe siècle, Inventaire des Collections publiques françaises, no 7, Paris, 1962 (no 85).
Sophie JOIN-LAMBERT, Peintures françaises du XVIIIe siècle. Catalogue raisonné, musée des beaux-arts de Tours, château d’Azay-le-Ferron, Tours, 2008. ↩︎ - – L’auteur, Pierre Choque, est le premier héraut et roi d’armes d’Anne de Bretagne. L’exemplaire Français 25158 de la Bibliothèque Nationale de France présente dans une grande enluminure l’auteur à genoux devant la reine et lui remettant son ouvrage accompagnée des vers : « Fille de roy de royne et de duchesse / Ce piteulx livre en ceste heure pnte (présente) / Come àmadame et à ma seule princesse / Très humblement de bon cœur vous présente / Vous y pourrez sous figure apprêtée / L’obsèque, hélas, le gros train, l’ordre amère / L’enterrement et la mort trop dolente / de la royne duchesse votre mère ». ↩︎
- – Les parents ont commandé une gravure à l’éditeur Gautrot reprenant les ex-voto et portant une mention explicite : « Les Parents de l’une et de l’autre pleins de reconnoissance, et pour conserver a la postérité la mémoire de ces miracles ont dédié ce Tableau a la Ste Epine de J. Christ notre Sauveur par la Vertu de laquelle ils avoient reçu de Dieu ce bienfait. » ↩︎
- – Ces œuvres sont spécialement destinées à orner les deux abbayes de Port-Royal des Champs et Port-Royal de Paris. François-Anatole GRUYER, Chantilly. Musée Condé. Notice des peintures, Paris, Braun, 1898 ; 2e éd. : 1899. No 310.
Charles STERLING, Musée du Louvre : catalogue illustré des peintures : école française XVIIe et XVIIIe siècles …, 1974, 106.
Claire CONSTANS, Musée national du château de Versailles, catalogue des peintures, Paris, 1980, no 758, no 772.
Emmanuel BENEZIT, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, Paris, Gründ, 1976, t. II, p. 714. ↩︎