Une oeuvre immersive place le spectateur en immersion. Il est immergé dans l’oeuvre, physiquement ou mentalement.
Les grottes de Lascaux ou la grotte Chauvet pourraient être considérées comme des premiers exemples d’oeuvres immersives. Les peintures pariétales, rupestres, définissent et modifient un espace, leur espace, dans lequel le spectateur entre. Les fresques de la Renaissance comme celles présentes à la Villa Barbaro peintes par Véronèse dans toutes les pièces peuvent aussi être assimilées à des oeuvres qui immergent le spectateur.
Dans l’art contemporain, les oeuvres immersives sont souvent plus que seulement visuelles, elles associent des environnements sonores, olfactifs (relatifs à l’odorat), haptiques (relatifs au toucher).
Les arts immersifs peuvent être définis comme des dispositifs expérientiels où la place du spectateur dans l’environnement créé est central. Ces environnements modifient sa perception de l’espace, du temps et même parfois la vision et la conscience de son propre corps.
On peut définir 4 types d’art immersif :
- Les expositions dites immersives, qui grâce aux projections, ou à des installations spatiales et à une conception sonore créent un espace à expérimenter (expérientiel)
- La réalité virtuelle, grâce à des casques VR qui nous plongent dans un autre espace
- La réalité augmentée, par l’intermédiaire d’applications ou hologrammes
- Certains dispositifs cinématographiques comme Omnimax/Imax, à la Géode à Paris, un cinéma à 360°
Emanuele Quinz considère l’oeuvre comme un environnement et non plus un objet. Ainsi, “l’œuvre n’est plus l’objet, elle n’est plus contenue dans l’espace, elle devient l’espace ” (Emanuele Quinz, Le cercle invisible, Environnements, systèmes dispositifs, Ed. Presses du Réel, 2017, p12).
Cette expansion à l’espace modifie par la même occasion la relation entre le spectateur et l’œuvre, qui n’est de fait plus face à l’œuvre, mais dans l’œuvre. Ce second paramètre est notamment théorisé par Baptiste Morisot et Estelle Zhong-Mengal dans leur ouvrage Esthétique de la rencontre, qui pose comme hypothèse de départ l’idée que “le phénomène majeur du XXème siècle en art est le changement de paradigme de la réception” (Baptiste Morisot, Estelle Zhong Mengual, Esthétique de la rencontre, l’énigme de l’art contemporain, Ed. Seuil, 2018). L’œuvre d’art dans cette configuration n’est plus un objet de contemplation passive mais un espace à explorer, à expérimenter. Pour Emanuele Quinz donc, “le passage de l’objet à l’environnement marque le passage d’une notion de l’espace comme dimension plastique, de la représentation, à une notion expérientielle, de la présentation, ou mieux, de la présence” (Emanuele Quinz, Le cercle invisible, Environnements, systèmes dispositifs, Ed. Presses du Réel, 2017, p12).
Quelques références pour une immersion mentale, suggérée, imagée :
par le format de l’oeuvre
Le Sacre de Napoléon par Jacques-Louis DAVID, 1806-1807, huile sur toile, 621 x 979 cm, Musée du Louvre, Paris https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010065720
Titre complet : Sacre de l’empereur Napoléon 1er et couronnement de l’impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804

Le réalisme du tableau final enchante l’empereur qui s’exclame « Que c’est grand ! Que c’est beau ! Quel relief ont tous ces ornements ! Quelle vérité ! Ce n’est pas une peinture. On vit, on marche, on parle dans ce tableau » (cité par Yvonne Deslandres dans La vie des grands peintres français, Éditions du Sud, 1964, p. 333).
Nadeije Laneyrie-Dagen a écrit dans Lire la peinture – Dans l’intimité des œuvres, Paris, Larousse, 2019 : Ce tableau étant conçu pour être vu d’une position assez éloignée, faisant bénéficier de l’identité d’échelle, le spectateur a le sentiment que l’œuvre est le prolongement de son espace, qu’il est devant la scène représentée et qu’il pourrait pénétrer dedans.
Sans Titre, de Djamel TATAH (1959 -), 1999, huile et cire sur toile (5 éléments jouxtés), 220 x 760 cm, Centre national des Arts Plastiques,
Paris. Vue de l’exposition La Répétition, Centre Pompidou Metz, 04/02/2023 au 27/01/2025.
https://collection.centrepompidou.fr/artwork/djamel-tatah-sans-titre-150000000041633

par sa représentation : effet « repoussoir » / effet miroir
Le personnage repoussoir : cette figure tourne le dos au spectateur, il s’identifie à elle car nous sommes dans la même position, elle est comme notre double, à l’instant même où nous, spectateur, admirons l’œuvre
Le Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David FRIEDRICH, 1818, huile sur toile, 94,4 x 74,8 cm, Kunsthalle de Hambourg, Allemagne
Les Grands Trans-Parents de Man Ray, 1971, Miroir avec sérigraphie, support en polyuréthane rigide, 181 x 91 x 4 cm, Musée des Beaux-Arts de Nancy, https://collections-mba.nancy.fr/fr/notice/d-2005-2-2-les-grands-trans-parents-c37ae4a4-0bd1-4c10-b4f2-a4ab4941fc91
https://izi.travel/fr/ef80-man-ray-les-grands-transparents-1971/fr
Quelques références pour une immersion physique :
L’Atelier des Lumières : Baux-de-Provence, Paris, Bordeaux
- https://www.carrieres-lumieres.com/fr aux Baux-de-Provence
- https://www.atelier-lumieres.com/fr à Paris
- https://www.bassins-lumieres.com/fr à Bordeaux
Ces dispositifs immersifs, numériques, font souvent référence à de grands artistes (Klimt, Monet, Van Gogh, Chagall, … et dernièrement Astérix !) et proposent des projections de reproductions de leurs oeuvres. Pourtant, qualifier ces dispositifs d’oeuvre d’art est erroné. Ils sont créés par des techniciens, graphistes, programmeurs, à partir de numérisations en haute définition d’oeuvres dont la matérialité réelle est absente.
Le texte de présentation sur le site de Paris est à nuancer : « Qui n’a jamais rêvé de s’immerger dans les chefs-d’œuvre (ce sont des reproductions numériques des oeuvres, pas les oeuvres elles-mêmes) les plus emblématiques de l’histoire de l’art ? À l’Atelier des Lumières à Paris, les murs et les sols deviennent, le temps de votre visite, des toiles géantes animées (ce sont des projections numériques immatérielles) « .
Les Rotondes et Panoramas : une mode au XVIIIème siècle
- Le panorama de Robert Baker en 1792
- https://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/5364/ : panorama de la Bataille de Waterloo