Figuration et construction de l’image : espaces narratifs de la figuration et de l’image, temps et mouvement de l’image figurative
Autres axes pour lesquelles cette oeuvre peut-être citée en référence personnelle | Explications : |
Rapport au réel : ressemblance, vraisemblance mais aussi écart. Grand réalisme des représentations, de la figuration, au rendu photographique, mais écart par la couleur, le plus souvent, bleue. | Jacques Monory : « Le bleu, un filtre pour indiquer que la réalité n’est pas vraie ». « Peindre en bleu permet de mettre la violence de la vie quotidienne à distance, de l’affronter et de faire penser que la vie est une illusion ». « Ce n’est ni le bleu du ciel ni le bleu de la mer, mais celui de la télé noir et blanc ! Quand on la photographie, elle est bleue ». |
La présentation de l’œuvre. Sollicitation du spectateur | Les miroirs intègrent le spectateur dans l’oeuvre : victime potentielle ou témoin ? Tout spectateur par son reflet est intégré à la narration, comme un personnage supplémentaire dans le récit. Vue de l’oeuvre au Centre Pompidou Paris.![]() |
Diffusion et de réception | Plusieurs expositions monographiques ou rétrospectives ont été organisées depuis son décès en 2028. Ex : Fondation Maeght en 2020 avec une salle consacrée à la série des Meurtres ![]() Musée de Pully en Suisse : ![]() |
https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cejbpek
Meurtre n° 10/2 de Jacques MONORY (1924 – 2018), 1968, huile sur toile et miroir brisé avec impacts de balles, polyptyque de 163 x 333.5 cm (panneau n°1 : 163 x 73.5 cm, panneau n°2 : 163 x 130 cm, panneau n°3 : 163 x 130 cm), oeuvre de la série des Meurtres, don de l’artiste au Centre Pompidou Paris en 1975, S.D.B.DR. (Signée au Dos, en Bas, à DRoite) : Monory 68
Jacques Monory : « J’ai peint les Meurtres pour indiquer ce que je vivais, une agression à mon égard ; et cette agression, je l’ai petit à petit élargie jusqu’à l’idée que cette agression était généralisée, je n’était plus particulièrement une victime, mais j’étais une victime comme les autres« .
Durée sur une image fixe : simultanéité des plans
Dans Meurtre n°10/2, appartenant à la série commencée en 1968, Jacques Monory organise sa fiction comme s’il s’agissait d’un arrêt sur image. Passionné de cinéma d’auteur, de Chris Marker ou d’Orson Welles, et travaillant comme maquettiste chez l’éditeur de livres de photographies Robert Delpire, Monory entretient des rapports multiples avec les images cadrées. Il emprunte au cinéma la structure d’un plan-séquence pour organiser sa toile. Il déroule une unité dramatique en regroupant plusieurs supports (tableaux et miroirs) sur un même plan. Un homme prend la fuite, figurée par son prolongement hors espace du tableau, hors-champ, laissant deux personnes à terre, partiellement représentées. Un miroir brisé par les impacts réels de balles, rehaussés à la peinture, établit une unité de temps dans les lieux de l’action. Cette condensation du temps par la simultanéité des espaces de représentation se réfère à la durée diégétique d’un film, cet espace-temps pour raconter une histoire, fiction du récit opposée à la durée réelle de son déroulement (montrer en une image immédiatement lisible, des espaces-temps différents). L’objet miroir introduit une autre dimension, celle du spectateur dans la scène.
L’inclinaison et la bichromie de l’œuvre tiennent en partie au procédé utilisé : la projection en biais sur la toile de négatifs photographiques. Cette inclinaison provoque l’illusion d’une scène prise à la volée. Sa dominante bleu nuit, lumière bleutée d’un rêve éveillé, contraste avec le réalisme de la figuration et renforce ce basculement du réel. Monory vient du Surréalisme mais développe à cette époque ce que Gérald Gassiot-Talabot ( éditeur et critique d’art qui a inventé le concept de « figuration narrative ») appelle un « onirisme actif et autobiographique » mêlant des scènes imaginées ou mémorisées, tirées de sa vie.
Comment construire une fiction narrative à partir d’images fixes est aussi la problématique du cinéaste Chris Marker pour son film La Jetée réalisé en 1962. Le montage d’images d’archives de guerre avec des images de fiction crée un croisement de deux temps, celui du souvenir et de l’anticipation. A travers ce roman-photo comme il le précise dans son générique, Chris Marker rend hommage à Alain Resnais qui lui-même faisait se rencontrer la petite histoire à la grande.
Source : https://soundcloud.com/loeilestlavoix
https://www.beauxarts.com/grand-format/monory-le-heros-de-son-art-lautobiographe-de-ses-bleus
Autres productions de la série des Meurtres : toutes les peintures sont de Jacques Monory et ont été réalisées en 1968.
VOCABULAIRE :
- narration visuelle
- composition
- temporalités
- parcours visuel
- matérialité
- sollicitation du spectateur : immersion
- camaïeu
- rendu photoréaliste
- Figuration Narrative
- image fixe
- plan, cadrage, hors-champ
PROBLÉMATIQUES possibles :
- Comment l’utilisation des camaïeux de couleurs par Jacques Monory dans ses premières œuvres peut-elle être interprétée comme un reflet des états émotionnels et psychologiques des personnages représentés, et quelles implications cela a-t-il pour comprendre le contexte artistique plus large des années 1960 ?
- De quelles manières les thèmes récurrents de la mort, de l’isolement et de l’expérience humaine dans les peintures de Jacques Monory remettent-ils en question ou renforcent-ils les normes sociétales de l’époque, et comment ces thèmes pourraient-ils être pertinents pour des enjeux contemporains dans l’art et la société ?
- En considérant la déclaration de Jacques Monory sur le fait de narrer le film de sa vie à travers la peinture, comment pourrait-on concevoir un projet multimédia qui combine art visuel, narration et interaction avec le public pour explorer les histoires personnelles et collectives, et quelles considérations éthiques devraient être prises en compte dans un tel projet ?
- Comment les expériences de Jacques Monory à Cuba et sa participation à des projets artistiques collectifs ont-elles influencé son style artistique et ses choix thématiques dans ses œuvres ultérieures, et quelles implications cela a-t-il pour comprendre le rôle de l’échange culturel dans l’évolution de l’art contemporain ?
- De quelles manières la séparation d’avec sa femme en 1967 peut-elle être considérée comme un moment charnière dans le parcours artistique de Jacques Monory, et comment cette expérience personnelle a-t-elle pu façonner son approche de la narration et de la figuration dans son art, en particulier dans le contexte des attentes sociétales concernant la masculinité et l’expression émotionnelle à cette époque ?